Une grève à la manufacture au XVIIe siècle

En janvier 1696, les « Intéressés en la Manufacture Royale des glaces » portent plainte auprès du commissaire du Châtelet de Paris contre la grève de leurs ouvriers doucisseurs et polisseurs.

La Manufacture royale des glaces s’est établie en 1665 au faubourg Saint-Antoine, vaste quartier artisanal à l’Est de Paris réputé pour son caractère turbulent et indocile. En 1657, des lettres patentes avaient autorisé ouvriers et artisans du lieu à travailler en dehors des contraintes réglementaires des corporations pour favoriser des productions nouvelles sur le sol français. C’est ce qui a déterminé l’installation de la manufacture.
Mais les directeurs de l’établissement ont bien des difficultés à imposer la discipline aux centaines d’ouvriers doucisseurs et polisseurs, aux conditions de vie souvent précaires, qui travaillent dans leurs ateliers. Ils se plaignent fréquemment auprès du commissaire du Châtelet de Paris des « cabales ».
En 1696, les ouvriers ont brusquement cessé le travail pour réclamer une augmentation de salaire et ont dressé des piquets de grève dans tout le faubourg pour empêcher les non-grévistes de se rendre au travail, comme le raconte un ouvrier, Pierre Bruslé.
Mais l’affaire est plus complexe : la Manufacture accuse les miroitiers parisiens d’avoir suscité la grève avec l’épouse de Bernard Perrot, le verrier d’Orléans qui revendique l’invention du procédé du coulage en table. La Manufacture royale vient en effet d’obtenir, quelques semaines auparavant, le monopole de l’utilisation de ce procédé pour fabriquer des miroirs, à la fureur de son inventeur.