1758 : Un nouveau directeur, Pierre Delaunay-Deslandes, modernise la manufacture

Pierre Delaunay-Deslandes est le directeur de la glacerie qui a poussé le plus loin la modernisation des procédés de fabrication et de l’outil de travail, ce qui lui valut des lettres de noblesse en 1772. La décision de le promouvoir à la direction est, pour les associés, un véritable pari car le contexte est délicat : même si la guerre de Sept Ans a temporairement ralenti les ventes de glaces, la demande du marché évolue vers une exigence croissante de qualité à laquelle la Compagnie peine à répondre. Le choix de Deslandes s’avère heureux dans la durée.

Malgré les mémoires qu’il nous a laissés sur son œuvre, on ne sait pratiquement rien de la formation de Deslandes, sinon qu'il est né en 1723 près d’Avranches, en Normandie, dans une famille de laboureurs aisés et qu’il arrive en 1752 à Saint-Gobain pour seconder le directeur de la manufacture. En 1757, la Manufacture royale obtient avec difficulté le renouvellement de son privilège exclusif, dans un contexte d’hostilité d’une administration du Commerce acquise aux nouvelles idées libérales : Madame Geoffrin, qui tient un célèbre salon tout en étant la principale actionnaire de la Manufacture, ainsi que sa fille, Madame de La Ferté-Imbault, ont dû user de toute leur influence auprès de la Cour et de l’opinion pour y parvenir. Avec le nouveau directeur, archétype de l’homme des Lumières, s'ouvre « l'ère Deslandes » qui voit la transformation de l'outil de travail dans un esprit systématique et rationnel. « J’ai toujours eu un esprit de calcul, écrit-il dans ses Mémoires. Quand il me venait quelque idée que je croyais propre à perfectionner la fabrique, je la retournais, je la méditais longtemps. Je faisais des expériences en petit avant de la mettre au jour. Enfin, j’ai été heureux dans tout ce que j’ai entrepris et à ma sortie en 1789, on disait que l’établissement de Saint-Gobain était un des plus beaux et un des plus brillants de l’Europe ». Au-delà de « son style tout à la fois ironique, rude et modestement suffisant », suivant les mots de Maurice Hamon, Deslandes mène à bien de grandes réformes. Il transforme en profondeur la manufacture, modernise les halles et les principaux ateliers, développe les logements ouvriers dans l’enceinte de la manufacture, impose plus d’ordre et de discipline dans les fabrications tout en parvenant à en améliorer la qualité. Le processus demeure cependant inabouti: il a regroupé les bâtiments de production par fonctions mais reste fortement contraint par la topographie du site de Saint-Gobain et toutes les opérations sont encore manuelles, nécessitant l’emploi d’environ 1200 ouvriers dans la manufacture qu’il est bien difficile de retenir aux postes les moins qualifiés.